Classe inversée et littérature : « Art » de Yasmina Reza

Voici un exemple de classe inversée utilisé pour étudier la pièce « Art » de Yasmina Reza avec des étudiants étrangers. Contrairement aux autres exemples proposés sur ce blog qui présentaient des auteurs classiques du Moyen Age au XXeme siècle, j’ai fait une capsule de découverte d’une autrice contemporaine.

Dans cette capsule, j’ai essayé de rendre plus interactifs les apprenants : dans les capsules précédentes, même s’ils étaient actifs lors du visionnage en prenant des notes, restait un sentiment de frustration dans le sens où ils étaient encore trop dépendants d’un transfert d’informations. Ils regardaient la capsule, faisaient un excellent exercice de compréhension orale et de prise de notes, certes. Toutefois, ils n’intervenaient pas assez activement à mon goût dans la recherche d’informations.

Aussi ai-je proposé dans cette capsule

  • comme d’habitude, un cadre structurant pour classer les informations afin de faciliter la mémorisation. Il s’agit surtout d’un cadre, d’un canevas (éléments biographiques / dramaturge à succès/ artiste polymorphe) que les apprenants ont dû compléter par des recherches personnelles. En présentiel, nous avons mis en commun toutes ces informations pour enrichir les données initialement proposées dans la capsule.

 

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Extrait de la capsule
  • des extraits d’articles illustrant telle ou telle facette de la dramaturge, que l’apprenant doit lire pour en retirer l’information importante. Il suffit de mettre sur pause pour prendre le temps de lire l’extrait d’article et pour en faire, par exemple, une analyse de la réception de la pièce en France, comme l’illustre l’image ci-dessous.
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Extrait de la capsule

 

 

S’appuyer sur des extraits d’articles de presse est bien sûr plus facile pour des auteurs/autrices du XXe ou du XXIe que pour les autres. Mais l’on peut aussi s’appuyer sur des articles critiques portant sur Stendhal ou Voltaire pour concevoir une capsule plus dynamique, plutôt que de transférer toutes les informations.

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Le bilan de cette activité est positif dans le sens où

  • il m’a permis de ne pas faire un cours de type magistral où j’aurais monopolisé la parole en transférant toutes ces informations en début de cours : ce sont les apprenants qui ont collaboré oralement pour compléter ces informations. Ils ont réellement appris les uns des autres, en fonction des articles trouvés dans leur pays d’origine et/ou dans leur L1 de sorte que nous avons reconstitué une vison internationale et interculturelle de cette dramaturge. Nous avons pu constater par exemple que Y. Reza fait bien plus l’unanimité en Argentine, au Chili qu’en France.
  • les apprenants sont arrivés en connaissant non seulement le nouveau thème mais en ayant des informations, en ayant fait des recherches si bien que nous avons pu entrer dans le vif du sujet plus rapidement et nous confronter à la pièce avec une intensité autre que si le thème avait été découvert au début du cours.

Capsule proposée

« Le Royaume » d’E. Carrère : impact du numérique sur la création littéraire et … les études littéraires

Dans Le Royaume, Emmanuel Carrère évoque l’effet de l’écriture d’une oeuvre littéraire sur un support numérique et lève le voile sur les difficultés de la recherche à venir en matière de brouillons d’écrivains, ratures et autres invisibles ajouts, pourtant si précieux pour tous les travaux de recherche et pour les lecteurs curieux :
« […] Aujourd’hui que nous écrivons et même lisons de plus en plus sur un écran, de moins en moins sur du papier, j’ai un argument de poids en faveur du second de ces supports : depuis plus de vingt ans que j’utilise des ordinateurs, tout ce que j’ai écrit à la main est encore en ma possession, par exemple les cahiers dont je tire la matière de ce mémoire, alors que tout ce que j’ai écrit directement sur l’écran a disparu, sans exception. J’ai fait, comme on m’en conjurait, toutes sortes de sauvegardes, et de sauvegardes de sauvegardes, mais seules celles qui étaient imprimées sur papier ont surnagé. Les autres étaient sur des disquettes, des clés, des disques externes, réputés beaucoup plus sûrs mais en réalité devenus obsolètes les uns après les autres, et désormais aussi illisibles que les cassettes audio de notre jeunesse. Bref. Il a existé, dans les entrailles d’un ordinateur depuis longtemps défunt, un premier jet de roman qui, si je le retrouvais, compléterait utilement mes cahiers. J’avais emprunté le titre au cinéaste Billy Wilder, pourvoyeur de bons mots aussi prolifique aux États-Unis que Sacha Guitry en France. À la sortie du film tiré du Journal d’Anne Frank, on demande à Wilder ce qu’il en a pensé. « Très beau, dit-il, la mine grave. Vraiment très beau… Très émouvant. (Un temps.) Mais tout de même, on aimerait connaître le point de vue de l’adversaire. »
Extrait de: Carrère, Emmanuel, Le Royaume, POL Editeur