Voici une émission (passionnante) de RFI sur l’impact de l’écriture avec clavier sur la mémorisation avec, entre autres, le linguiste Alain Bentolila.
http://www.rfi.fr/emission/20150401-crayon-contre-clavier-ecriture-manuscrite-va-elle-disparaitre/
Par rapport à nos problématiques, on retiendra :
– La mémoire sensori-motrice : lorsqu’on écrit avec écriture manuscrite, on développe une mémoire visant à reproduire la forme de la lettre au plus près avec un certain geste pour chaque lettre. Chaque lettre est ainsi associée à un mouvement donné alors qu’avec un clavier, le geste est le même pour chaque lettre : le mouvement de frappe au clavier n’a pas de relation avec la forme de la lettre. Ainsi on retient moins bien les lettres qu’on apprend au clavier.
Quand on écrit une lettre, on écrit en toute reconnaissance du lien entre la forme et le son qu’elle donne. Si on perd cette habitude de tracer lettre après lettre, on perd la capacité de les reconnaître au moment de lire. L’oubli est plus important.
« Attention, si nous perdons complètement l’apprentissage de l’écriture manuscrite, qu’elle soit scripte ou cursive, nous perdons beaucoup pour la mémoire, pour la prise de conscience de la composition des mots. » Bentolila
– Le processus de prise de notes et de mémorisation pendant les cours : étude de l’Université de Princeton
Les étudiants qui prennent des notes sur ordinateur répondent bien aux questions factuelles mais ils tapent de façon mécanique, mot à mot, donc ils ont plus de mal à répondre à des questions qui demandent plus de réflexion et retiennent moins. Ils prennent une plus grande quantité de notes mais cela ne les aide pas à mieux comprendre le cours.
Les étudiants qui prennent des notes de manière manuscrite sont obligés de synthétiser, de reformuler avec leurs propres mots, car ils ne peuvent pas écrire aussi vite que ceux qui prennent des notes à l’ordinateur. Il faudrait donc changer la méthode de prise de notes sur ordinateur.
« La mise en cohérence et en mémoire de ce qu’un professeur va dire à ses étudiants se fera beaucoup plus facilement à la main. » Bentilola
« A la main vous formulez d’une façon particulière, vous n’êtes pas le miroir de ce que vous avez reçu à l’oral ». Bentolila
– Les deux types d’écriture :
Bentolila distingue l’écriture quotidienne de l’écriture qui traduit une pensée personnelle : « l’écriture qui est la mise à disposition d’un autre, d’une autre intelligence, de sa propre pensée, et là l’écriture manuscrite a un avantage considérable en ce que c’est la pensée qui dicte. »
« L’écriture manuscrite est singulière.[…] L’écriture manuscrite c’est cette volonté que nous avons de se faire comprendre d’un autre, tout en gardant sa singularité. » Bentolila
Donc, en ce qui nous concerne par rapport aux tablettes,
1) C’est a priori une bonne chose d’avoir choisi de conserver des livrets papier pour les prises de notes qui complètent les livrets numériques interactifs et de ne pas passer par la prise de notes sur clavier.
2) D’autre part, le fait de passer par le clavier pour travailler les productions écrites en FLE, notamment pour le travail collaboratif devrait permettre, grâce à l’anonymat de cette écriture, plus « désincarnée » que celle qui passe par le stylo, de favoriser les changements d’identité, de rôle proposés par les sujets qui sont souvent des simulations. On peut donc s’appuyer sur cet anonymat du clavier et l’utiliser de façon positive en FLE.
Un grand merci à Anna Vicente (lycée français de Rabat, Maroc) de m’avoir conseillé cette émission !
Publié le 13 avril 2015 par geraldinelarguier dans Français et numérique