Littérature, Fle et Classe inversée : retour d’expérience sur la littérature du Moyen Age

                   Habituée à utiliser la classe inversée en cours de langue (FLE), je me suis retrouvée cette année, à nouveau et avec beaucoup de bonheur, dans la peau d’un professeur de littérature pour des étudiants étrangers nord-américains. Après une tentative de cours en mode un peu magistral, j’ai senti tout d’abord à quel point les niveaux de langue de mes étudiants étaient variés, allant du A2 au B2+ et surtout combien mes pratiques pédagogiques étaient marquées par les avantages de la classe inversée.

Aussi ai-je tenté de proposer une capsule à regarder avant le cours avec les informations importantes sur chaque thème ou auteur pour

  • donner le temps à chaque étudiant d’acquérir ces informations à son rythme, de comprendre les mots clés et de connaître leur orthographe et leur prononciation
  • redonner du sens à la présence en classe (Lebrun…) en valorisant la restitution orale collective faite par les étudiants et qui permet de reconstituer les informations mais surtout de redonner la parole aux étudiants. Leur temps de parole a de fait nettement augmenté. Nous avons aussi gagné du temps pour travailler le texte en cours et surtout, les étudiants sont arrivés avec un « horizon d’attente » bien défini et prêts à passer à l’action.

Bien évidemment la capsule ne peut qu’être une « mise en bouche » et ne vise pas l’exhaustivité mais elle permet de transmettre une première strate de connaissances qui sera complétée au fur et à mesure en présentiel. Il existe de nombreuses capsules très bien faites, mais malheureusement, souvent le niveau de langue est trop difficile pour les apprenants de FLE, d’où la nécessité de passer par la création de capsules personnalisées et adaptées, moins peaufinées sur le plan esthétique, mais plus efficaces pour le public FLE.

Voici un exemple de capsule pour introduire Le Roman de Renart :

C I Roman de Renart from Geraldine L on Vimeo.

Les inconvénients sont essentiellement la dimension chronophage de la création de capsules pour l’enseignant et l’obligation de simplifier les informations par rapport à un cours qui serait fait en présentiel. Mais il faut concevoir la capsule comme les prémices de l’échange à venir.

Parmi les autres avantages de cette pratique, le fait de mettre l’accent sur la tâche finale (grâce au temps économisé avec ce dispositif hybride) favorise la dimension active, voire créative pour les apprenants. Dans les exemples que je propose ci-dessous, les étudiants ont eux-mêmes créé une capsule pour la page Facebook de l’Institut afin de présenter la chanson de geste, l’amour courtois, etc. Le travail collectif de scénarisation de la capsule les a obligés à synthétiser et à classer les informations recueillies pendant le cours. Ils se sont ensuite isolés pendant une heure avec un Ipad par groupe et l’app Explain Everything, pour créer les vignettes et enregistrer leur voix.

La création collective de la capsule a remplacé un éventuel test de connaissances : outre le plaisir d’une production finale créative, elle a permis de travailler de manière décloisonnée la production écrite, la production orale et de faire appel aux compétences transversales que sont la négociation, la collaboration, la recherche documentaire, les compétences technologiques…

L’amour courtois BJS from Geraldine L on Vimeo.

Chanson de geste from Geraldine L on Vimeo.

 

Ressources pour travailler l’expression de la comparaison

Voici quelques pistes pour travailler l’expression de la comparaison avec des supports numériques : (1) tout d’abord des documents authentiques favorisant l’expression de la comparaison ; (2) ensuite des capsules pour ceux qui voudraient travailler en classe inversée.

(1) Voici quelques supports visuels authentiques pour le réinvestissement de la comparaison, qui plaisent beaucoup aux apprenants :

  • les célèbres photos de Peter Menzel : ce que consomment différentes familles de plusieurs pays en une semaine
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Extrait de l’article du Monde : succès unanime du petit déj turc !

Il est possible de poursuivre l’activité en demandant aux apprenants de prendre une photo de leur petit déjeuner et de coller les photos sur un mur virtuel pour créer un document qui servira de support de production orale. En voici un exemple.

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Padlet des petits déjeuners de mon groupe
  • la comparaison des plateaux-repas dans les avions : cet article de ZNN compare non seulement les plateaux des compagnies entre elles, mais aussi les repas de la classe éco avec ceux de la première classe de chaque compagnie.
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Exemple de plateau-repas de Lufthansa Classe affaire sur le site de ZNN

 

  • la comparaison de ce que mangent les enfants de différents pays à la cantine dans cet article de demotivateur.fr
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Exemple de repas pris à la cantine (article de demotivateur.fr)

(2) Pour ceux qui veulent passer par la classe inversée, voici deux capsules que j’ai données à mes apprenants : ils les ont regardées chez eux avec une feuille de route à remplir tout en visionnant la vidéo à leur rythme.

  • La première est de niveau A2 et a été faite à partir de « La cantatrice chauve » de Ionesco (dont nous avons lu la scène d’exposition). Elle n’est pas vraiment réutilisable telle quelle car elle contient des allusions au travail fait en cours avec mes étudiants. Mais elle peut donner des pistes pour scénariser une capsule.

 

Comparaison 1 from Geraldine L on Vimeo.

Et voici la feuille de route pour les apprenants.

  • La seconde est plutôt de niveau B2 pour travailler la comparaison avec des nombres (ex : J’ai deux ans de plus que toi).

Comparaison avec des nombres from Geraldine L on Vimeo.

Et voici la feuille de route.

 

Apprendre à argumenter avec une capsule faite à partir d’une production d’apprenant

Pour (re)voir la méthode d’argumentation (de type Delf B2), je suis partie de la production de mes étudiants et, plutôt que de faire un cours magistral pour répéter ce que doit contenir une introduction, quelle structure doit suivre chaque paragraphe, etc., j’ai choisi de photographier la production d’une étudiante qui m’a donné son accord pour en faire une capsule de méthodologie.

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Capsule « Structurer son argumentation »

Le fait de partir de la production d’une personne du groupe a permis de viser au mieux le niveau initial « réel » pour argumenter et d’éviter de mettre la barre trop haut, ce qui aurait pu en décourager certains.

Un autre avantage est que cette copie n’est pas une production parfaite : au contraire, le fait qu’elle présente des imperfections non seulement dédramatise les erreurs des autres apprenants, mais permet de mettre en évidence ce qu’il faut éviter, comme, par exemple, l’absence de séparation typographique entre l’introduction et le premier paragraphe. En partant de la production d’un apprenant, on évite ainsi la dimension désincarnée et abstraite d’un cours théorique de méthodologie et la capsule permet, en fin de parcours, un résumé qui reprend les grandes lignes de la théorie.

Enfin cette capsule a été efficace car elle conserve un contexte affectif qui les concerne : ils ont chacun fait l’exercice avec ce sujet sur la Cop21, connaissent tous celle qui a écrit et reconnaissent la voix de leur enseignante qui leur donne des conseils. Il me semble évident que si j’avais pris une capsule toute faite sans ce contexte affectif, elle n’aurait pas eu la même efficacité.

Est-ce de la classe inversée ? Oui, dans le sens où les étudiants ont regardé chez eux la capsule pour reconstituer la méthodologie de l’argumentation et où cela nous a fait gagner du temps pour enchaîner sur un autre exercice d’argumentation pendant le cours en présentiel au lieu de perdre du temps à prendre des notes sur comment argumenter.

Créer des capsules « bonus culturels »

Grâce à des applications comme Explain Everything, il est assez facile de créer des vidéos présentant un cours. Tout un éventail de possibilités s’offre à nous, cours en amont avec la classe inversée, cours en aval pour réviser. Une autre piste est de proposer des capsules très courtes offrant aux élèves une possibilité d’approfondir un point qui les intéresse et que l’on n’a pas le temps de traiter en cours. Beaucoup cliqueront sur la vidéo par curiosité et quelques-uns pourront s’enrichir, notamment si l’on met une « accroche » personnalisée au début s’adressant directement à eux.

Cela soulève le problème des capsules que l’on trouve sur internet à foison et qui sont un cours magistral aussi neutre qu’universel. Cette dimension anonyme correspond sans doute aux besoins des étudiants mais pour des élèves plus jeunes, on peut se demander si le fait de personnaliser les vidéos en utilisant le « vous », en faisant référence au pays dans lequel nos apprenants vivent ou en glissant d’autres signes de connivence, comme des allusions à ce qui est déjà connu ou a été étudié précédemment, ne serait pas un moyen de donner plus de chair à nos vidéos…

Voici un exemple avec une capsule proposée en cours de FLE sur le thème de l’immigration : « Droit du sol ou droit du sang ? »

 

Pour un cours de littérature, on peut imaginer d’autres capsules sur des points assez précis comme des détails biographiques d’auteurs, la présentation de la genèse d’une oeuvre, l’adaptation d’une oeuvre au cinéma, etc.

Bref, ces bonus culturels sont un moyen de gagner du temps et de proposer des portes faciles à ouvrir. L’idéal est de les publier sur un Ibook pour les intégrer parfaitement à la progression. Sinon il faut les publier sur Moodle ou les partager directement avec les élèves. Quant à la question de l’aprés-capsule, on peut garder la logique du bonus et de la gratuité jusqu’au bout et ne rien faire…