Apprendre le français avec les séries TV : « Flequés », parodie de « Bloqués »

Voici un retour d’expérience de mon cours « Apprendre le français avec les séries TV ». Grâce à mon stagiaire de M1 de Fle, Quentin, j’ai découvert la série « Bloqués », diffusée initialement sur Canal+ qui met en scène deux jeunes avachis sur un canapé qui ne font rien et parlent de leur vie, en rêvant à une vie meilleure.

Les épisodes se caractérisent sur le plan linguistique par un langage familier, de nombreux mots en verlan et sur le plan culturel, par des références assez difficiles à comprendre sur l’actualité (sportifs, chanteurs, mais aussi « Gros Quick », etc.). C’est pourtant, malgré cette difficulté, une excellente source pour approfondir l’enrichissement du registre familier des apprenants, pour les sensibiliser au verlan hyper-actuel et leur permettre de comprendre quelques conversations de la vie réelle…

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Capture d’écran de la série « Bloqués »

En outre, le format, très court de moins de 2 minutes, l’austérité du décor (un huis clos dans un appartement désordonné, un canapé) et le nombre réduit d’acteurs (deux) sont autant d’éléments qui permettent d’envisager une parodie avec des apprenants.

Un autre grand intérêt des épisodes de cette série repose sur le fait que les dialogues sont souvent constitués de répliques données en alternance et proposant des définitions personnelles d’un concept, d’une idée. Par exemple, « L’enfer, c’est … », « La vie serait plus cool si … ». La structure anaphorique permet de donner un cadre aux apprenants lors de la compréhension mais aussi au moment de la production écrite.

Objectifs :

  • enrichir le « parler jeune » des apprenants : lexique, syntaxe, prononciation
  • travailler sur les différents niveaux de langue
  • être capable de produire un texte en « parler jeune » avec un contexte adéquat
  • parodier la série TV » Bloqués » et produire un épisode en groupes.

Déroulement de la séquence :

  • visionnage de plusieurs épisodes de « Bloqués » sans, puis avec une transcription lacunaire. Les apprenants ont fait un relevé du « parler jeune » (verlan, mots familiers, intonation, etc.)
  • mise en place d’une enquête : par groupe, les étudiants sont partis enquêter sur le terrain, à l’université ou dans leur environnement afin de récolter un certain nombre de mots ou d’expressions employés par les jeunes. Ils devaient accompagner chaque mot d’un exemple et définir le registre. Ils ont rempli un document collaboratif sur Google Drive pour mettre en commun tous ces mots et éviter les doublons.
  • analyse et réinvestissement du lexique récolté : nous avons expliqué les mots, trouvé des équivalents en langage courant, proposé d’autres exemples pour bien cerner le contexte dans lequel il est possible de réutiliser ces mots et pour en combiner deux ou trois.
  • présentation du projet d’écrire une parodie de « Bloqués »

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  • productions écrites : les apprenants devaient choisir ou proposer un titre d’épisode (« l’enfer, c’est », « j’ai largué mon mec parce que… », « la vie serait plus cool si.. ») et écrire individuellement 4 ou 5 phrases donnant une proposition et contenant du lexique familier
  • tournage de nos épisodes : nous avons tourné en cours en une heure avec une tablette. Le seul apprenant qui a refusé d’être filmé s’est chargé de jouer le rôle du réalisateur. Il n’y a pas eu de répétitions par manque de temps mais aussi car l’idée n’était pas d’avoir des vidéos parfaites. L’objectif essentiel était de réinvestir ces mots dans une situation liée au plaisir d’apprendre. J’ai ensuite fait les montages avec Imovie.
  • publication de nos épisodes : dès le lancement du projet, il a été annoncé que les productions seraient publiées sur la page Facebook de notre institut, ce qui fonctionne désormais comme un levier pour la motivation et comme une habitude car toutes nos parodies ont été partagées auparavant. Cette phase est essentielle dans le sens où elle permet un partage de la production avec le réseau d’amis (même les non-francophones !) et où elle donne du sens à la parodie qui sera regardée par d’autres personnes que le groupe d’étudiants de la classe.

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En conclusion, si l’on compare cette série aux autres séries travaillées précédemment (« Mère et fille », « Bref », « Parents mode d’emploi »), elle est plus difficile sur le plan de la compréhension car elle met en contact les apprenants avec un « parler jeune » auquel ils ne sont pas habitués et qu’ils ne découvrent que sporadiquement dans les cours de langue : avec cette série, la dose de « parler jeune » est à la limite du supportable pour certains. Il est donc fondamental de travailler en amont sur les stratégies à mettre en place pour la compréhension.

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Elle est aussi plus difficile car elle met en contact les apprenants avec le lexique familier, et par conséquent avec, parfois, sinon des concepts plus vulgaires, du moins des sujets plus tabous, ce qui est toujours un exercice d’équilibriste pour l’enseignant avec certains apprenants dont la culture est très pudique. Il faut accepter de sortir de sa zone de confort.

Au terme de ce semestre, la série que mes apprenants placent en haut du podium est « Bref » : même si le débit est très très rapide, l’humour les a séduit, le fait que le personnage soit un anti-héros aussi. Elle est plus facile à comprendre car il y a moins d’allusions culturelles très actuelles que dans « Bloqués ». Mais, la force de cette dernière série est qu’elle a offert aux apprenants un rapport jubilatoire, un peu rabelaisien à une langue qu’ils ne connaissaient presque pas…

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