Atelier #Eidos64 Outils numériques en cours de langues : des pistes pour favoriser une approche interactionnelle

Mercredi 24 janvier 2018 à Bayonne dans le cadre de la journée de formation Eidos64.

bandeau-2018L’atelier qui s’appuiera sur des exemples de cours de langues (Français Langue Etrangère), invitera à explorer deux pistes parmi les multiples potentialités du numérique :

comment renouveler le remue-méninges que nous faisons en début de séquence pour établir un premier état des lieux des connaissances déjà acquises sur un thème ? Nous verrons comment Beekast offre une variante numérique intéressante par rapport aux approches plus traditionnelles.

comment mettre en valeur les productions des apprenant.e.s en leur donnant un destinataire réel ? Dans son ouvrage Le web 2.0 en classe de langue (Maison des langues, 2011), en complément des habituelles tâches cibles et didactiques, Christian Ollivier nous invite à mettre en place des « tâches ancrées dans la vie réelle », c’est-à-dire « des tâches dans lesquelles l’apprenant n’est plus seulement un apprenant, mais devient un « usager » de la langue ». Il nous incite donc à proposer «des tâches qui ont un enjeu réel et dans lesquelles les aspects non langagiers retrouvent la place qu’ils ont dans la réalité. ». Il apparaît clairement que le web 2.0 est un espace privilégié pour publier et favoriser les interactions avec des locuteurs et locutrices natifs afin de donner un sens réel à des tâches, non plus réservées aux enseignantes et enseignants, mais s’adressant à d’autres internautes.

Comment passer de la simple production écrite à une tâche finale publiée ? Comment mettre en valeur les productions pour les partager et leur donner plus de sens ? Quels outils numériques utiliser pour faire faire des petites vidéos, des graphiques ou des livrets numériques qui seront partagés au-delà des murs de la salle de cours, voire commentés dans le cadre d’interactions réelles  ?

Cet atelier proposera des pistes et des exemples de réalisations d’apprenant.e.s pour une utilisation pédagogique de Beekast, Spark Video, Google Maps, entre autres.

Pensez à apporter votre ordinateur ou votre tablette.

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Fle Apprendre le français avec les séries TV : « Samantha oups ! » (2)

Comme je l’ai mentionné dans un article antérieur, la série « Samantha Oups! » est une des rares séries TV exploitables pour les niveaux A1/A2.

Après avoir vu et analysé plusieurs épisodes qui servent de matrices pour la production écrite, il est possible de passer à l’écriture de petites scènes « à la manière » de « Samantha oups ! ». Mes étudiants ont travaillé par groupes de 3 autour du thème fédérateur : Samantha prof de Fle ou Samantha à l’IEFE.

Premier défi : écrire à la manière de…

Nous avons consacré 2 heures non consécutives au travail collectif d’écriture. La consigne était de produire 2 ou 3 petits textes pour créer un nouvel épisode de notre série TV, en imitant le style et en conservant les caractéristiques des deux personnages. Très vite sont apparus les premiers jeux de mots, malentendus pour faire rire le spectateur : « grosse queue/ grande queue » (oui, oui !), « travail à la maison/ devoirs », « vert/verre/vert », « grand-mère/grammaire »…

Deuxième étape : comment mettre en valeur et partager la production écrite ?

Ensuite, la question la plus difficile est arrivée : qu’allions-nous faire de ces écrits ? Allions-nous passer au tournage ? Mais pas facile pour certains étudiants de mettre en danger leur « face » et de se montrer avec une perruque blonde sur la tête en train de parler français, notamment avec un niveau A1 ou A2… Chaque groupe a ainsi eu la liberté de mettre en valeur et de partager avec les autres son travail d’écriture :

  • un groupe a refusé d’être filmé et a joué les petits épisodes dans la classe devant les autres étudiants
  • deux groupes ont choisi d’utiliser des poupées Barbie et des personnages en Légo ou Playmobil
  • un groupe a accepté de se filmer avec une perruque
  • un groupe a contourné la difficulté en dessinant les personnages sur des morceaux de papier et les a transformés en marionnettes en mettant un stylo derrière le papier…
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Autre difficulté : le montage vidéo

Certains ont filmé avec les Ipads que j’avais apportés en cours et ont fait directement le montage avec Imovie. D’autres ont préféré faire un montage plus travaillé, en insérant la musique de la série, en ajoutant un générique. Ils ont ainsi utilisé leur propre matériel puis ont fait le montage à distance, en totale autonomie.

A retenir de cette expérience :

  • le plaisir et l’émulation suscités par la créativité, tout à fait étonnante chez des apprenants de niveau A1/A2, capables d’écrire avec un registre comique et de faire des jeux de mots
  • l’autonomie de la plupart des apprenants pour gérer seuls les difficultés techniques
  • l’importance d’enseigner et de stimuler toutes les compétences transversales que sont le travail collaboratif, la négociation, l’utilisation des outils numériques, etc.
  • la valeur stimulante de la publication et du partage qui créent une réelle situation de communication et donne du sens aux apprentissages

Apprendre le français avec les séries TV : « Flequés », parodie de « Bloqués »

Voici un retour d’expérience de mon cours « Apprendre le français avec les séries TV ». Grâce à mon stagiaire de M1 de Fle, Quentin, j’ai découvert la série « Bloqués », diffusée initialement sur Canal+ qui met en scène deux jeunes avachis sur un canapé qui ne font rien et parlent de leur vie, en rêvant à une vie meilleure.

Les épisodes se caractérisent sur le plan linguistique par un langage familier, de nombreux mots en verlan et sur le plan culturel, par des références assez difficiles à comprendre sur l’actualité (sportifs, chanteurs, mais aussi « Gros Quick », etc.). C’est pourtant, malgré cette difficulté, une excellente source pour approfondir l’enrichissement du registre familier des apprenants, pour les sensibiliser au verlan hyper-actuel et leur permettre de comprendre quelques conversations de la vie réelle…

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Capture d’écran de la série « Bloqués »

En outre, le format, très court de moins de 2 minutes, l’austérité du décor (un huis clos dans un appartement désordonné, un canapé) et le nombre réduit d’acteurs (deux) sont autant d’éléments qui permettent d’envisager une parodie avec des apprenants.

Un autre grand intérêt des épisodes de cette série repose sur le fait que les dialogues sont souvent constitués de répliques données en alternance et proposant des définitions personnelles d’un concept, d’une idée. Par exemple, « L’enfer, c’est … », « La vie serait plus cool si … ». La structure anaphorique permet de donner un cadre aux apprenants lors de la compréhension mais aussi au moment de la production écrite.

Objectifs :

  • enrichir le « parler jeune » des apprenants : lexique, syntaxe, prononciation
  • travailler sur les différents niveaux de langue
  • être capable de produire un texte en « parler jeune » avec un contexte adéquat
  • parodier la série TV » Bloqués » et produire un épisode en groupes.

Déroulement de la séquence :

  • visionnage de plusieurs épisodes de « Bloqués » sans, puis avec une transcription lacunaire. Les apprenants ont fait un relevé du « parler jeune » (verlan, mots familiers, intonation, etc.)
  • mise en place d’une enquête : par groupe, les étudiants sont partis enquêter sur le terrain, à l’université ou dans leur environnement afin de récolter un certain nombre de mots ou d’expressions employés par les jeunes. Ils devaient accompagner chaque mot d’un exemple et définir le registre. Ils ont rempli un document collaboratif sur Google Drive pour mettre en commun tous ces mots et éviter les doublons.
  • analyse et réinvestissement du lexique récolté : nous avons expliqué les mots, trouvé des équivalents en langage courant, proposé d’autres exemples pour bien cerner le contexte dans lequel il est possible de réutiliser ces mots et pour en combiner deux ou trois.
  • présentation du projet d’écrire une parodie de « Bloqués »

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  • productions écrites : les apprenants devaient choisir ou proposer un titre d’épisode (« l’enfer, c’est », « j’ai largué mon mec parce que… », « la vie serait plus cool si.. ») et écrire individuellement 4 ou 5 phrases donnant une proposition et contenant du lexique familier
  • tournage de nos épisodes : nous avons tourné en cours en une heure avec une tablette. Le seul apprenant qui a refusé d’être filmé s’est chargé de jouer le rôle du réalisateur. Il n’y a pas eu de répétitions par manque de temps mais aussi car l’idée n’était pas d’avoir des vidéos parfaites. L’objectif essentiel était de réinvestir ces mots dans une situation liée au plaisir d’apprendre. J’ai ensuite fait les montages avec Imovie.
  • publication de nos épisodes : dès le lancement du projet, il a été annoncé que les productions seraient publiées sur la page Facebook de notre institut, ce qui fonctionne désormais comme un levier pour la motivation et comme une habitude car toutes nos parodies ont été partagées auparavant. Cette phase est essentielle dans le sens où elle permet un partage de la production avec le réseau d’amis (même les non-francophones !) et où elle donne du sens à la parodie qui sera regardée par d’autres personnes que le groupe d’étudiants de la classe.

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En conclusion, si l’on compare cette série aux autres séries travaillées précédemment (« Mère et fille », « Bref », « Parents mode d’emploi »), elle est plus difficile sur le plan de la compréhension car elle met en contact les apprenants avec un « parler jeune » auquel ils ne sont pas habitués et qu’ils ne découvrent que sporadiquement dans les cours de langue : avec cette série, la dose de « parler jeune » est à la limite du supportable pour certains. Il est donc fondamental de travailler en amont sur les stratégies à mettre en place pour la compréhension.

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Elle est aussi plus difficile car elle met en contact les apprenants avec le lexique familier, et par conséquent avec, parfois, sinon des concepts plus vulgaires, du moins des sujets plus tabous, ce qui est toujours un exercice d’équilibriste pour l’enseignant avec certains apprenants dont la culture est très pudique. Il faut accepter de sortir de sa zone de confort.

Au terme de ce semestre, la série que mes apprenants placent en haut du podium est « Bref » : même si le débit est très très rapide, l’humour les a séduit, le fait que le personnage soit un anti-héros aussi. Elle est plus facile à comprendre car il y a moins d’allusions culturelles très actuelles que dans « Bloqués ». Mais, la force de cette dernière série est qu’elle a offert aux apprenants un rapport jubilatoire, un peu rabelaisien à une langue qu’ils ne connaissaient presque pas…

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Utiliser la cartographie interactive pour un voyage « littérature et Fle »

Comment rendre actifs les apprenants pendant un voyage scolaire ou universitaire ? Parmi les nombreuses pistes possibles, voici un retour d’expérience avec la cartographie interactive proposée par Google Maps, que j’affectionne particulièrement et que j’approfondis car elle offre de nombreux avantages en Fle, pour présenter les tâches finales.

Cet outil permet un travail collaboratif (chaque apprenant peut coller sa production dès lors qu’il a reçu le lien d’accès), le tracé d’un itinéraire qui rend visible le trajet effectué et surtout la mise en commun des productions des apprenants qu’elles soient sous forme de textes, de photos ou de vidéos.

En outre, la tâche finale peut être partagée, montrée, donc mise en valeur, ce qui crée une stimulation non négligeable lors de la production des mini-tâches des apprenants et surtout, elle perdure et se transforme en souvenir, élément inestimable pour des apprenants en immersion en France pour quelques mois.

Ce retour d’expérience concerne un groupe de 12 étudiants américains de niveaux hétérogènes (A2 à B2+) qui suivent des cours de littérature française (du Moyen Age au XVIIIe) avec moi pendant 45 heures et avec lesquels nous avons organisé un voyage de Pau à Bordeaux pendant deux jours : nous avons visité les châteaux de Montaigne, de Montesquieu (auteurs étudiés en cours), le Grand-Théâtre et avons assisté à une représentation de « L’Avare », lu en français facile.

Le projet de mettre en place une carte interactive avec de courtes vidéos faites en groupes a été lancée sous forme de capsule pour gagner du temps et travailler la compréhension orale en autonomie.  L’annonce de la publication des productions finales sur le site Facebook de notre institut a été mentionnée immédiatement pour privilégier l’idée de partage avec les autres étudiants qui ne faisaient pas partie du voyage.

Sur place, la plupart des apprenants ont choisi de prendre des photos pour faire un montage, plutôt que des vidéos, sans la moindre consigne technique de ma part. Les tâches étaient bien réparties : certains prenaient des photos, d’autres des notes de ce que disaient les guides. Il a fallu parfois s’achalander sur Internet car, par exemple, il était interdit de photographier l’intérieur du château de Montesquieu. Pendant le séjour, il est clair que le fait de donner la responsabilité de rendre compte d’une visite à tour de rôle a permis de rendre actifs mes apprenants, sans pour autant les surcharger de travail, ni les priver du plaisir des visites.

Les vidéos (ex du Grand-Théâtre ou château de Montaigne) ont été collées directement sur la carte Google Maps, ou m’ont été envoyées sur ma messagerie électronique : j’ai ajouté l’itinéraire et quelques photos du groupe, car les apprenants ont été assez pudiques et ont choisi des présentations neutres, sans oser inclure de visages connus, sans doute pour donner un air plus sérieux à leur production. C’est donc moi qui ai opté pour l’insertion de quelques photos plus personnelles.

La seule limite rencontrée est venue de la part de deux étudiantes qui n’ont pas pu participer au voyage et qui ont fait un travail qu’elles ont présenté sous forme de « PowerPoint », impossible à insérer dans un repère sur la carte.

En conclusion, après avoir testé la cartographie interactive pour présenter des tâches sous forme de production écrite, pour géolocaliser l’écriture de contes, pour donner du sens à un point de grammaire,  il me semble que la carte Google Maps donne vraiment du sens à la préparation d’un voyage de classe, tant par le fait qu’elle rend indirectement les apprenants actifs, que par le partage et le souvenir qu’elle favorise.

Certes, sa production demande un certain investissement, mais force est de constater que le fait de rassembler en un même lieu tous ces souvenirs les ranime et en prolonge le plaisir.